Johnny's Scrapbook / Glossaire 2ème partie

De "Marche sur Washington" à "Wah Wah Man"



Marche sur Washington

Le 28 août 1963 marque l'apogée du mouvement non violent pour les droits civiques avec la « Marche sur Washington pour l'emploi et la liberté » : 200 000 Américains, dont 80% d’Afro-américains, défilent pour appuyer la lutte en faveur de l'intégration raciale. La marche se termine devant le Lincoln memorial où de nombreux orateurs, dont deux femmes, Daisy Bates et Josephine Baker, se succèdent à la tribune. Prenant la parole en dernier, Martin Luther King prononce son célèbre discours “I have a dream”. 
 
Dans le spectacle Johnny's Scrapbook, les retrouvailles entre Johnny Hudgins et Josephine Baker ont été inspirées par une anecdote relatée par le "performer" John W. Bubble.* Ce comédien et danseur formait avec Ford Lee Washington le duo "Buck and Bubble". Ils ont partagé la scène à maintes reprises avec Josephine Baker au cours des années 20, notamment dans la revue "In Bamville". Il a raconté comment, à l'occasion de la Marche sur Washington, il avait retrouvé, quarante ans plus tard, Josephine Baker. L'interviewer lui demande : "Avez vous parlé des jours anciens?". Bubble : "Nous n'avions pas besoin d'en parler. Nous nous sommes juste regardés".    

* relatée dans la biographie de Josephine Baker "The Hungry Heart".
Josephine Baker à la Marche sur Washington le 28 août 1963
Josephine Baker à la Marche sur Washington le 28 août 1963

Martin Luther King

Martin Luther King, né à Atlanta, est originaire d'une famille de pasteurs et bénéficie d'un milieu social plutôt favorable. En 1954 il devient pasteur baptiste et exerce à Montgomery, dans l'Alabama. En 1955, il prend la tête du mouvement de soutien à Rosa Parks arrêtée par la police pour avoir refusé de céder sa place à un blanc dans un bus, et lance un appel au boycott de la compagnie de bus de la ville. Malgré les intimidations, le boycott durera un an jusqu'à ce que la Cour Suprême donne tort à la compagnie de bus. 
En 1963, il est à la tête de grandes campagnes pour les droits civiques, le droit de vote des Noirs, la fin de la ségrégation, une meilleure éducation. Il est arrêté à plusieurs reprises. Dans son discours du 28 août 1963, "I have a dream", devant 250000 personnes, il lance un appel pour un pays où tous les hommes partageraient les mêmes droits dans la justice et la paix. La violence des forces de l'ordre et le harcèlement des ségrégationnistes face aux luttes pacifiques engendrent une vague de sympathie au sein de l'opinion publique pour le mouvement des droits civiques. 
En 1964, Martin Luther King reçoit le Prix Nobel de la Paix dont il est le plus jeune lauréat. La plupart des droits pour lesquels il milite sont votés comme lois avec le Civil Rights Act de 1964 et le Voting Rights Act de 1965. Martin Luther King meurt assassiné par un ségrégationniste blanc le 4 avril 1968 à Memphis alors qu'il soutenait une grève d'éboueur. 
 
i_have_a_dream___extrait.mp3 I have a dream _ Extrait.mp3  (2.24 Mo)

Johnny's Scrapbook / Glossaire 2ème partie

Paris noir des années 20

"Quelle est la première chose que j’ai vu en arrivant à Paris ? Un homme et une femme s'embrassant en pleine rue ! En Amérique, vous auriez été en prison pour ça !", Josephine Baker "A Paris, c'était Noël tous les jours. Les gens étaient tellement fous de nous qu'on en oubliait qu'on était noirs.", Mildred Hudgins*
 
Victimes de la ségrégation dans l’armée américaine, 4 500 soldats noirs américains ont combattu durant la Première Guerre mondiale sous les couleurs françaises. Ayant été globalement bien accueillis sur le sol français, nombre d'entre eux décidèrent à la fin de la guerre de s'y installer. La France était alors considérée par beaucoup d'afro-américains comme un véritable havre de liberté en comparaison de la situation raciale aux Etats-Unis. C'est à cette époque que le jazz se répandit en France. Les musiciens  Sidney Bechet, Arthur Briggs et Henry Crowder, les chanteuses et danseuses Ada "Bricktop" Smith et Josephine Baker, les écrivains, associés au mouvement de la Harlem Renaissance, Richard Wright et Langston Hughes furent accueillis à bars ouverts dans la capitale. Cette parenthèse enchantée prendra brutalement fin avec le déclenchement de la seconde Guerre Mondiale. 

On ne doit pas en conclure pour autant que la France de l'époque était exempte de tout préjugé racial, bien au contraire. Les personnes qui accueillaient chaleureusement ces artistes noirs-américains ne représentaient en réalité qu'un cercle restreint d'artistes et intellectuels souvent membres des avant-gardes artistiques. On citera le photographe Man Ray, le peintre Francis Picabia, les écrivains Jean Cocteau, Robert Desnos, Blaise Cendrars et Georges Bataille, le cinéaste Jean Renoir, les musiciens Jean Doucet, Maurice Ravel, Darius Milhaud, la mécène Nancy Cunard... Autant de noms qui ne reflètent ni le sens commun de l'époque, ni l'esprit des pouvoirs en place. N'oublions pas que les années 1920' marquent l'apogée de l'Empire Colonial Français dont les expositions coloniales, véritables zoos humains**, sont censées en représenter la puissance.
 
*Citations tirées de la biographie "Josephine The Hungry Heart" de Jean-Claude Baker et Chris  Chase, Random House New York
**Zoos humains, ouvrage collectif sous la direction deNicolas Bancel, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Eric Deroo et Sandrine Lemaire - Paris, La Découverte, 2002
Man Ray "Noire et Blanche" 1926
Man Ray "Noire et Blanche" 1926

Paul Colin (1892-1985)

Le dessinateur, peintre, scénographe Paul Colin réalise en 1925 l'affiche de la Revue Nègre qui fait fureur au Théâtre des Champs Elysées. Cette affiche le lance et très vite il produit des affiches de spectacles et d’artistes dont il fait des portraits ressemblants dans un style proche de la caricature. Il fait des décors de théâtre et de cinéma. Il devient une figure du Tout-Paris. En 1927, il publie l'album, qui constitue sans doute son chef-d'œuvre, Le Tumulte noir, magnifiant Joséphine Baker et les musiciens de jazz de la Revue nègre. 

Dans le spectacle Johnny's Scrapbook, lors de l'évocation de la traversée de l'Atlantique par Josephine Baker, le dessinateur Guillaume Carreau fait une référence explicite à cet album tandis que le piano joue avec les motifs de sa chanson la plus célèbre "J'ai deux amours".
 
12_j__ai_deux_amours.mp3 J'ai deux amours par Josephine Baker  (3.9 Mo)

Josephine Baker par Paul Colin, tiré de l'album "Le Tumulte Noir" (1929)
Josephine Baker par Paul Colin, tiré de l'album "Le Tumulte Noir" (1929)

Prince of Wales (1894–1972)

Edward Albert Christian George Andrew Patrick David, Prince de Galles, est resté célèbre comme le monarque au règne le plus court de l'histoire Brittanique. Après avoir été couronné Roi d'Angleterre, sous le titre d'Edward VIII, le 20 janvier 1936, il abdiquera le 11 décembre de la même année. Son règne fût marqué par ses impatiences envers le protocole et son refus de se soumettre aux conventions établies. Après quelques mois sur le trône, il provoquera une crise constitutionnelle en annonçant son souhait d'épouser Wallis Simpson, une américaine divorcée de son premier mari et en instance de divorce de son second. 

En 1903, à l'occasion de l'anniversaire du Prince, les membres du spectacle In Dahomey, dont Bert Williams et la jeune Aida Overton Walker, sont reçus à Buckingham Palace, pour une représentation privée. Cette représentation marquera les débuts de la fascination du Prince pour le spectacle "noir"" et le jazz.* En 1927, il assiste à seize représentations de la revue The Blackbirds à Paris. Il fréquente assidument le club "Chez Bricktop", où il emprunte parfois la place du batteur de l'orchestre de Claude Hopkins, et prendra des leçons de charleston avec Ada "Bricktop"Smith et Johnny Hudgins...
 
"Il est venu voir mon spectacle. Il s'était marié à une femme de Baltimore, ma ville de naissance ; il ne voulait pas être un "foutu" roi." Johnny Hudgins, à propos du Prince de Galles **

*Relaté dans l'ouvrage Florence Mills, Harlem Jazz Queen de Bill Egan, The Scarecrow Press.
** Cité dans Josephine The Hungry Heart de Jean-Claude Baker et Chris Chase., Random House New York 
17_prince_of_wales.mp3 Prince of wales par Bennie Moten's Kansas City Orchestra (avec Count Basie au piano) (1932)  (3.36 Mo)

Le prince de Galles en compagnie, notamment, de la chanteuse Ada "Bricktop" Smith dans son club parisien "Chez Bricktop".
Le prince de Galles en compagnie, notamment, de la chanteuse Ada "Bricktop" Smith dans son club parisien "Chez Bricktop".

Prohibition

Les années 1920 sont celles de la prohibition aux USA. Cette interdiction de vendre de l'alcool, va favoriser l'éclosion d'une multitude de lieux illicites (les "speakeasies") et du commerce d'alcool de contrebande organisé par les mafias juives et italiennes. Ces émigrés fraîchement arrivés trouvent là une alternative au commerce légal souvent tenu par les irlandais arrivés de longue date. En peu de temps, ils vont amasser des fortunes leur permettant d'ouvrir des night-clubs fastueux dans lesquels ils accueillent les meilleurs orchestres du moment. Leur sympathie pour cette autre minorité, noire-américaine, et leur attrait pour leur musique et leur danse va finalement accompagner le développement du jazz dans des lieux tels que le Cotton Club, le Small’s Paradise, le Savoy Ballroom ou l’Apollo Theater.

Comme se souvient le pianiste Earl Hines à propos d’Al Capone : “Scarface” (“le Balafré”) s’entendait bien avec les musiciens. Il aimait arriver dans un club avec sa bande et demander ses morceaux favoris à l’orchestre. Il était très généreux, avec des pourboires de 100 dollars.”*

*Le Jazz et les Gangsters Ronald L.Morris Editions Le Passage
1_06_prohibition_blues.mp3 Prohibition Blues par The Missourians (1930)  (4.06 Mo)

Al Capone
Al Capone

Revue nègre

En 1925, André Daven, directeur artistique d Théâtre des Champs Elysées, se met en quête d'un nouveau type de spectacle. Sur les conseils de son ami  peintre Fernand Léger, il charge l'américaine Caroline Dudley Reagan de mettre sur pied une troupe uniquement composée d'artistes noirs américains (à l'inverse des Blackbirds, revue qui existait avant de se produire à Paris, la Revue Nègre est un spectacle entièrement composé pour le public parisien). Dans les clubs d'Harlem, Caroline Dudley Reagan recrute l'orchestre de Claude Hopkins, dans lequel joue le clarinettiste Sidney Bechet, et une équipe de danseurs, dont la jeune Josephine Baker. Le peintre mexicain Covarrubias est en charge des décors, Louis Douglas de la chorégraphie.

Une représentation, organisée pour la presse, tourne au fiasco : les danseurs et comédiens interprètent laborieusement leurs sketches, l'orchestre fait un "boucan infernal". En dernière minute, André Daven remplace Louis Douglas par le chorégraphe Jacques Charles qui remanie le tout et met en vedette Josephine Baker. Ce sera un triomphe teinté d'une atmosphère de scandale. Découvrant, stupéfaits, la prestation de la jeune danseuse presque nue, une moitié du public quitte la salle, indignée, quand l'autre en redemande. André Daven, directeur du théâtre, sait qu'il assiste alors à une révolution théâtrale : "C'était comme la révélation d'un nouveau monde. L'érotisme avait trouvé un style. Josephine riait et pleurait. Le public, debout, lui faisait une telle ovation qu'elle en  tremblait, incapable de quitter la scène."* La Revue Négre marquera le début de l'engouement du public français pour le jazz et la culture noire-américaine. 

*Cité dans Josephine The Hungry Heart de Jean-Claude Baker et Chris Chase., Random House New York 
 
Affiche par Paul Colin de la "Revue Nègre"
Affiche par Paul Colin de la "Revue Nègre"

Scrapbook

Un fonds Johnny Hudgins est consultable à l'Emory University d'Atlanta. Y sont réunis des documents, photographies, partitions, un scrapbook*, affiches, concernant la carrière professionnelle de Johnny Hudgins sur la période 1927-1988. Les photographies comprennent des documents publicitaires montrant Johnny Hudgins en costume "blackface", des images de ses spectacles, et des photos-autographes signées par d'autres artistes afro-américains. Le scrapbook contient des photos, des programmes, des articles de journaux, et des documents concernant ses voyages et représentations en Amérique du Sud, en Europe et aux Etats-Unis. 

Pour créer le spectacle Johnny's Scrapbook, nous avons eu accès, grâce à Brent Hayes Edwards, professeur à la Columbia University, et à Emmanuel Parent, maître de conférence à l'Université Rennes 2, à un certain nombre d'images extraites de ce scrapbook. Toutefois, le fait de ne pas avoir sous la main la totalité du document nous a permis de le "fantasmer".  

*Un scrapbook est un album photo personnalisé par l'ajout de toutes sortes de décorations ou/et de commentaires.
Un des Scrapbook de Johnny Hudgins conservé à l'Emory University d'Atlanta
Un des Scrapbook de Johnny Hudgins conservé à l'Emory University d'Atlanta

Ségrégation

La ségrégation raciale aux États-Unis (1875~1964) fut imposée après la période de reconstruction (dite "Reconstruction") faisant suite à la guerre de Sécession. Les anciens États sudistes mettent alors en place les lois Jim Crow qui contournent les XIIIeXIVe et XVe amendements à la Constitution abolissant l'esclavage et accordant le statut de citoyen aux Noirs américains. Comme l'esclavage avant elle, cette ségrégation raciale est basée, idéologiquement, sur une interprétation très particulière de la Genèse 9:27 ainsi que sur les doctrines raciales de l'anthropologie du xixe siècle, et pratiquement sur l'intimidation des Noirs par la violence (entretenue notamment par l'organisation suprématiste blanche : le Ku Klux Klan, née au lendemain de la guerre, mais dont la première incarnation fut assez éphémère). En 1896, la Cour suprême légitime cette nouvelle législation, en formulant la doctrine separate but equal (« séparés mais égaux »).

Dans les années 1960, sous la pression du mouvement des droits civiques, les lois Jim Crow ont été abolies et une nouvelle législation élargissant les droits civiques des Noirs a été voté. En 1967, la Cour suprême juge anticonstitutionnelles les lois interdisant les mariages mixtes entre individus de couleurs différentes. 

Les danseuses Maude Russell et Mildred Hudgins (l’épouse de Johnny) se remémorent un engagement à Atlantic City durant l’été 1920. “Travailler à Atlantic City pendant l’été c’était presque comme des vacances. L’océan étant juste à la porte du club, on pouvait sentir le goût du sel sur nos lèvres. Mais les plages étaient ségreggées –“Comme partout” dit Maud Russell, “Il y avait une plage pour les blancs et une plage pour les noirs”- Et aux portes des hôtels luxueux on pouvait lire: NO DOGS, NO JEWS. “Ils n’avaient pas besoin d’afficher NO NIGGERS, on était déjà au courant,” ajoute Mildred Hudgins.*  
 

*Josephine The Hungry Heart Jean-Claude Baker et Chris Chase / Random House New York
3_08_jim_crow_blues.mp3 Jim Crow Blues par Leadbelly (1930)  (4.18 Mo)

Un africain-américain buvant à une fontaine réservée  aux noirs dans une gare routière d’Oklahoma City en 1939
Un africain-américain buvant à une fontaine réservée aux noirs dans une gare routière d’Oklahoma City en 1939

Sun un air de Charleston

A partir de 1925,  Jean Renoir découvre les revues noires-américaines qui font sensation à Paris. "Le trio qu'il formait avec Catherine Hessling, sa compagne, et Jacques Becker, sortait à peu près tous les soirs... Paris venait d'accueillir la grande Revue Nègre qui amena chez nous Joséphine Baker. Les membres de la troupe, après la représentation aux Ambassadeurs ou au Théâtre des Champs Elysées, se répandaient dans certaines boites de Paris et régalaient les habitués, dont nous étions, de leurs compositions les plus typiques."* Ils découvrent également la revue des "Blackbirds" et plus particulièrement Johnny Hudgins : "Jean et Catherine, qui ne manquent aucune soirée parisienne, sont subjugués pas ses qualités de danseur, et Catherine, qui aime danser et jouer la pantomime, voit en lui un possible partenaire idéal."** 

De là, naîtra le court-métrage Sur un air de Charleston tourné en 1927. Sur une idée d'André Cerf et un scénario de Pierre Lestringuez, Renoir met en scène Catherine Hessling et Johnny Hudgins dans un savoureux exercice d'anthropologie inversé : En 2028, un mystérieux explorateur pose son aéronef sur la Terra Incognita. Il y fait fait la connaissance d'une ravissante jeune indigène qui va l'initier à une danse des plus effrénées. Renversant les représentations alors en vigueur, blanc/noir, sauvage/civilisé, homme/femme, Sur un air de Charleston constitue une des plus modernes et mordantes critiques du contexte racial et colonial de son époque. Il est également une magnifique métaphore des échanges culturels trans-atlantiques.  
 
*"Jacques Becker ou l'exercice de la liberté" par Valérie Vignaux, Editions du CEFAL
**"Jean Renoir" par Pascal Mérigeau, Grandes Biographies, Flammarion 

Strange Fruit

Les états du sud des Etats-Unis ont longtemps été le théâtre de violences extrêmes à l'encontre des populations noires. Entre 1882 et 1968, il a été estimé que 4700 lynchage avaient eu lieu aux Etats-Unis, -soit une personne par semaine pendant près de quatre-vingt ans. "Un lynchage pouvait être provoqué par une manifestation de ce qu'on appelait l'"arrogance" : par exemple, un noir qui cherchait à s'élever au-dessus de sa condition, qui tenait des propos choquants ou qui se vantait. Même un signe extérieur de réussite sociale... pouvait être considéré comme de l'arrogance."*
*Extrait de Lady In Satin Billie Holiday Julia Blackburn, Editions RivagesRouge, à propos de la chanson Strange Fruit

Strange Fruit
(Abel Meeropol)

Southern trees bear a strange fruit,
Blood on the leaves and blood at the root,
Black bodies swinging in the southern breeze,
Strange fruit hanging from the poplar trees.

Pastoral scene of the gallant south,
The bulging eyes and the twisted mouth,
Scent of magnolias, sweet and fresh,
Then the sudden smell of burning flesh.

Here is fruit for the crows to pluck,
For the rain to gather, for the wind to suck,
For the sun to rot, for the trees to drop,
Here is a strange and bitter crop.

 
7_20_strange_fruit.mp3 Strange Fruit par Billie Holiday (1939)  (3.67 Mo)

Image tirée du magasine de la NAACP "The Crisis" (mars 1920)
Image tirée du magasine de la NAACP "The Crisis" (mars 1920)

T.O.B.A.

La « Theater Owners Booking Organisation », ou « T.O.B.A »., était une agence de tournée qui permettait aux artistes afro-américains de se produire devant un public noir dans l’ensemble des Etats-Unis. De prestigieux artistes tels que Bessie Smith, Ethel Waters, Fletcher Henderson, Fats Waller, Louis Armstrong, Joséphine Baker et bien sûr, Johnny Hudgins ont intégré le circuit T.O.B.A.  

Tenue par des propriétaires « blancs » de théâtre, l’organisation n’avait que pour seul objectif d’enrichir ces adhérents. Les artistes étaient moins bien payés que les artistes du circuit de Vaudeville blanc et devaient s’adapter à de rudes conditions de tournée. Pour ces raisons, les “Entertainers” noirs renommait souvent l’organisation : “Though On Black Artists”, ou même, selon la chanteuse Gertude “Ma” Raney : “Though On Black Asses”.  
Johnny's Scrapbook / Glossaire 2ème partie

“Wah Wah Man”

C’est un des surnoms de Johnny Hudgins et le nom d'un de ses numéros les plus fameux : accompagné par un trompettiste, jouant avec sourdine, ou d'un clarinettiste, il exécutait une sorte de pantomime durant laquelle les sons émis par l’instrument à vent semblaient sortir de sa bouche.
 
Sonny Greer, batteur de l’orchestre de Duke Ellington, le rappelle en ces termes : “Notre spectacle comprenait Johnny Hudgins, le meilleur comique noir de l’époque, qui jouissait d’une renommée internationale. Son numéro était uniquement de la pantomime. Il ne prononçait pas une seule parole. Joe Smith, le trompettiste, l’accompagnait dans son numéro : il faisait “les paroles” à la trompette en se servant de sa main comme d’une sourdine.” *
 
*Cité par Yannick Séité  dans Le jazz, à la lettre  Presses Universitaires de France
 
04_trumpet_mouthpiece_blues.mp3 Trumpet Mouthpiece Blues par Clark Terry  (4.83 Mo)

Kees van Dongen, Nightclub: the Singer Johnny Hudgins, c. 1927.
Kees van Dongen, Nightclub: the Singer Johnny Hudgins, c. 1927.

White Americans in Paris

A l'après-guerre, Paris voit affluer un grand nombre de touristes américains blancs. Ceux-ci ne supportent pas que la France n'applique pas la ségrégation telle qu'il la connaisse chez eux. La presse de l'époque regorge de compte-rendus d'altercations suite aux plaintes d'américains offusqués, par exemple, de déjeuner à quelques tables d'une personne noire. Au café des Ambassadeurs, où se produit Johnny Hudgins, une bagarre générale éclate après que des américains aient pris à parti le comédien noir Frisco dansant avec une jeune femme blanche. Le mari se plaindra à la police et déclarera que Frisco était son invité et qu'il dansait avec sa femme à sa demande. 

"Midred Hudgins, danseuse des "Blackbirds" et épouse de Johnny Hudgins se souvient de la manière dont les américains insultaient les jeunes femmes blanches qui se promenaient dans la rue au bras d'un homme noir. Les hommes -d'origine Martiniquaise ou Congolese, même si ils ne comprenaient pas l'anglais, s'apercevaient de l'affront, ce qui déclenchait des bagarres au poings. Les jeunes femmes de leur côté appelaient : "Gendarmes, Gendarmes"."

"Mildred elle-même a été, à plusieurs reprises, insultée alors qu'elle était au bras de son mari. En raison de la clarté de sa peau, certains s'imaginaient qu'elle était blanche. Dans ces cas là, Johnny Hudgins ne manquait pas de répondre aux insultes, jusqu'à en venir aux poings. On le voyait poursuivre à grandes enjambées ces racistes offensants dans les rues de Paris. Au bout d'un moment, les gendarmes en eurent assez et pensèrent que les Américains étaient fous de se battre pour des questions de couleur de peau."*

 
*Josephine The Hungry Heart Jean-Claude Baker et Chris Chase / Random House New York
Un dessin du spectacle des "Blackbirds" au Café des Ambassadeurs en 1926.
Un dessin du spectacle des "Blackbirds" au Café des Ambassadeurs en 1926.




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