Johnny's Scrapbook / Glossaire musical

Petit retour sur quelques genres musicaux et figures convoqués dans le spectacle Johnny's Scrapbook...



Blues

Johnny's Scrapbook / Glossaire musical
Le Blues est un genre musical vocal et instrumental dérivé des chants de travail (Work Songs) des populations noires-américaines. Apparu dés la fin du 19ème siècle, il est une manière d'épancher sa peine, son chagrin, sa douleur, de raconter ses difficultés quotidiennes et/ou amoureuses. Le mot viendrait d’une expression anglaise « the blue devils », les démons bleus, qui s’emparent de l’âme des gens déprimés. Ni majeur, ni mineur, le Blues est caractérisé par une ambiguité mélodique bien spécifique permettant aux chanteurs et instrumentistes des inflexions très expressives. 
 
01_devil_got_my_woman.mp3 Devil Got My Woman par Skip James  (2.77 Mo)


Dans Johnny's Scrapbook, nous avons créé un Blues pour la scène durant laquelle Johnny revêt le masque "Blackface". Introduit par la clarinette seule, il nous permet d’entrer dans l’intimité de Johnny, de partager sa mélancolie et sa lassitude de devoir porter soir après soir cet artifice outrancier qui l’autorise à se produire en scène.
 
jo_blues_v1.mp3 Johnny's Blues par Frasques  (3.68 Mo)

johnny__s_blues.pdf Johnny's Blues.pdf  (29.53 Ko)

Boogie-woogie

Le Boogie-woogie est à l'origine une manière pianistique de jouer le Blues. Au début du 20ème siècle, des pianistes noirs développent, dans des campements d'ouvriers  du sud des Etats-Unis, une manière plus rapide et rythmée de jouer le Blues basée sur des ostinatos en croches (eight-to-the-bar) répétés à la main gauche. Les premiers pianistes de Boogie-woogie jouaient dans des barrel house ou honky tonk (baraques en bois aménagées en bar/saloon/tripot) avant de migrer au cours des années 1920' dans les grandes villes du nord. C'est là que le genre connait son apogée avec des pianistes tels que Clarence "Pinetop" Smith, Cow Cow Davenport, Albert Ammons, Pete Johnson  ou Meade Lux Lewis.

Le terme « boogie-woogie » se réfère au rythme très caractéristique du train. Ce bruit vient des roues du train qui passent avec un petit à-coup d'un rail à un autre (les jointures étant très sommaires). Or les essieux sont groupés par deux au sein d'un bogie (boogie en anglais), supportant le wagon, d'où la double percussion répétitive. Ensuite, comme souvent dans le langage quotidien, les Américains ont accolé un terme artificiel créé par assonances, allitérations et onomatopées tout comme hip-hop vient de hip (hanche).  
 
08___honky_tonk_train_blues_1.mp3 Honky Tonk Train Blues par Meade Lux Lewis  (3.6 Mo)


On trouve cette évocation du train dans le Boogie-woogie mais aussi dans le Jazz en grand orchestre. 
 
06_daybreak_express.mp3 Daybreak Express par Duke Ellington  (3.37 Mo)


Rien de mieux qu'un Boogie-woogie pour évoquer les tournées harassantes des artistes du circuit T.O.B.A. Pour mieux plonger le spectateur dans le climat inquitéant des "rednecks" du Midwest américain, notre relecture du genre s'appuie sur une métrique inhabituelle à 3 temps tandis que le banjo s'ajoute à la main gauche du piano. 
 
toba_1.mp3 T.O.B.A. par Frasques  (1.58 Mo)


Charleston

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Le Charleston est une danse nommée en référence à la ville portuaire de Charleston en Caroline du Sud. Elle fut popularisée aux Etats-Unis par la composition "The Charleston" du pianiste James P. Johnson écrite pour la revue Runnin' Wild créée à Broadway en 1923.Le Charleston connaît son pic de popularité entre 1926 et 1927. En France, c'est Josephine Baker, par sa prestation très remarquée au sein de la Revue Nègre en 1925, qui la fait connaitre. 
 
03___charleston.mp3 The Charleston par James P. Johnson  (4.52 Mo)


Johnny Hudgins, tout autant que Josephine Baker, était un excellent danseur de Charleston, au point de donner des cours au Prince de Galles. A notre manière, en hommage à "Jo et Jo", nous avons cherché à reproduire le rythme frénétique associé à cette danse.
 
charleston_1.mp3 Jo's Charleston par Frasques  (1.91 Mo)


Duke Ellington (1899–1974)

Pianiste, compositeur et chef d'orchestre, Edward Kennedy "Duke" Ellington est souvent considéré comme l'un des plus grands et singuliers musiciens de l'histoire du Jazz. Il aura maintenu son orchestre en activité de 1923 jusqu'à sa mort sur 50 années d'une riche carrière. Né à Washington, mais installé à New York dés les années 1920', il acquiert sa notoriété grâce aux prestations de son orchestre au Cotton Club où il assure de 1927 à 1931 la fonction de directeur musical. Là,  il invente le style « Jungle » basé sur les sonorités uniques du trompettiste Bubber Milley ou du tromboniste Tricky Sam Nanton transformant les sons de leurs instruments par l’emploi de sourdines, wah-wah, et imitant certains effets vocaux, le « grawl ». Dans les années 30, il enchaîne avec son orchestre les tournées aux Etats-Unis, en Europe et dans le monde entier. Il devient une figure clef de l'histoire du jazz bien qu'il ait toujours considéré sa musique, notamment empreinte d'influences classiques -c'est un grand admirateur de Tchaikovsky, comme au-delà des catégories.  

La musique de Duke Ellington est indéfectiblement liée à Harlem, son quartier d'adoption auquel il rendra nombre d'hommages musicaux. Dans Johnny's Scrapbook, nous avons organisé un medley de compositions d'Ellington contenant, presque toutes, "Harlem" dans leur titre. Pour évoquer l'arrivée à New York de Johnny Hudgins : Drop me off Harlem ; les Clubs new-yorkais et la danse : Harmony in Harlem ; la grande migration et le travail sur les chantiers : Echoes of Harlem ; l'agitation de la ville, les gangsters : Jubilee Stomp. 
 
05_drop_me_off_in_harlem.mp3 Drop Me Off In Harlem par Duke Ellington  (3.75 Mo)

09_harmony_in_harlem.mp3 Harmony In Harlem par Duke Ellington  (3.43 Mo)

08_echoes_of_harlem__remastered_.mp3 Echoes of Harlem par Duke Ellington  (5.34 Mo)

01_jubilee_stomp__remastered___1992_.mp3 Jubilee Stomp par Duke Ellington  (4.8 Mo)


Fats Waller (1904–1943)

Johnny's Scrapbook / Glossaire musical
Thomas Wright "Fats" Waller  était un pianiste, organiste, compositeur, chanteur, et "entertainer". Il est un des grands représentants de l'école de piano "stride" de Harlem aux côtés de ses mentors James P. Johnson et Willie "The Lion" Smith. Né à New-York, il se produit dés l'âge de 15 ans dans les cabarets et les théâtres d'Harlem. Il joue également de l'orgue au Lincoln Theater où il accompagne les films muets. En 1922, il grave ses premiers enregistrements. Il se lie d'amitié avec le poète et parolier Andy Razaf avec lequel il va écrire les thèmes Ain't Misbehavin', Black and Blue ou Honeysuckle Rose pour des comédies musicales de Broadway. Il meurt en 1943 d'une broncho-pneumonie, à 39 ans, dans un train à proximité de Kansas City.
 
06_viper__s_drag.mp3 Viper's drag par Fats Waller  (3.4 Mo)


Dans son numéro de pantomime "Wah Wah",  Johnny Hudgins aurait pu être accompagné par Fats Waller. On a donc imaginé un morceau à sa manière alternant plusieurs parties contrastées, rêveuses, à la manière de son maître Willie Smith the Lion, ou plus dynamiques. La partie centrale est constituée d'un "stride" (style de piano dans lequel la main gauche alterne rapidement les basses et les accords) et c'est dans cette section que Johnny exécute sa fameuse pantomime accompagnée par les improvisations de la clarinette. 
 
wah_wah_man.mp3 The Wah-Wah Man par Frasques  (2.37 Mo)


Jazz années 1920 (selon les compositeurs européens)

Fernand Léger, projet de costume pour le ballet "La Création du Monde" de Darius Milhaud (1923)
Fernand Léger, projet de costume pour le ballet "La Création du Monde" de Darius Milhaud (1923)
Dans les années 1920, les compositeurs français et européens découvrent le jazz et s'en inspirent pour renouveler leurs esthétiques. Erik Satie, Darius Milhaud, Maurice Ravel mais aussi Stravinsky ou Erwin Schulhoff sont notamment marqués par l'univers du Music-hall dans lequel un jazz "spectaculaire", destiné à accompagner des numéros de danse, de magie ou de cirque, tient une grande place. C'est donc plus par des musiques proches du Ragtime, du Cake-Walk ou du Fox-Trot que par le jazz de la Nouvelle-Orléans qu'ils découvrent cette nouvelle musique. Ils en retiennent l'aspect syncopé, l'instrumentation, et parfois l'ambiguité harmonique (présente dans le Blues) qu'ils vont parfois pousser plus loin en la mâtinant de polytonalité (Milhaud, Schulhoff...).
 
1_07_caramel_mou.mp3 Caramel mou (Shimmy) (1921) de Darius Milhaud par Peter Beijersbergen van Henegouwen, piano  (3.83 Mo)


Ragtime

Johnny's Scrapbook / Glossaire musical
Le Ragtime est un genre musical né aux Etats-Unis à la fin du 19ème siècle. Dérivé du Cake-Walk, danse des esclaves noirs de Virginie imitant avec ironie l'attitude de leurs maîtres allant au bal, et des musiques de salon, le Ragtime jouit d'une grande popularité entre 1897 et 1918. L'émergence du ragtime classique est généralement située en 1897, date à laquelle sont publiées dans la ville de Saint-Louis plusieurs compositions importantes de ragtime dont celles de Tom Turpin. Suivront celles de Scott Joplin, qui marque l'apogée du genre, mais aussi de James Scott et Joseph Lamb. 
Genre pianistique, mais également adapté à la guitare, au banjo, ou aux orchestres d'harmonie ou militaires, le Ragtime se caractérise par sa structure multi-thématique alternant différents thèmes ("strains") agrémentés d'introductions, de transitions et de codas. Il est basé le plus souvent sur une rythmique à 2/4 et sur un mode de jeu de main gauche alternant basses et accords tandis que la main droite joue des mélodies souvent syncopées. C'est à ce rythme "haché" que le Ragtime ("temps déchiré") doit son nom. 
 
03_a_real_slow_drag.mp3 A real slow drag par Scott Joplin (piano roll)  (3.81 Mo)


Stride

Willie "The Lion" Smith et Fats Waller dans une rue de Harlem
Willie "The Lion" Smith et Fats Waller dans une rue de Harlem
Enraciné dans le Ragtime, le "Stride" est un style pianistique très virtuose dans lequel la main gauche pratique de grandes enjambées ("stride") entre l'extrême grave du clavier, les basses, et la partie médium (accords). La main droite développe toutes sortes de figures, thèmes, motifs, riffs (courts motifs répétés). C'est un genre musical en partie improvisé et fondé sur le swing (basé sur des croches irrégulières), deux éléments qui le distinguent du Ragtime. On trouve également dans le piano "Stride" une grande diversité musicale en ce qui concerne les modes de jeux, les structures, les thématiques... 
Apparu vers 1919, le "Stride" est lié au quartier de Harlem où résidaient ces principaux représentants, on parle de l'"école de Harlem" : James P. Johnson, le père fondateur, Willie "The Lion" Smith et Fats Waller.
 
10_carolina_shout.mp3 Carolina shout par James P.Johnson  (2.97 Mo)


Vaudeville

Une image de Johnny Hudgins dans le court-métrage "Feet - Fun - And Fancy" (1927)
Une image de Johnny Hudgins dans le court-métrage "Feet - Fun - And Fancy" (1927)

Si l'on parle fréquemment du Work Song, du Blues ou du Spiritual comme ayant été à l'origine du jazz, on oublie souvent de mentionner une autre source très importante de cette musique : les spectacles de variété, autrement appelés dans la tradition américaine, Vaudeville, Revues ou encore Minstrels Shows. Ces spectacles très populaires au 19ème et au début du 20ème siècle, alternaient toutes sortes de numéros : chant, danse, claquettes, sketchs, magie... La musique, toujours présente, se devait d'accompagner et de mettre en scène chacune de ces séquences. Elle revêtait donc un aspect "spectaculaire", au sens scénique du terme, et prenait la forme d'une suite. 

Nous avons cherché à retrouver cette dimension dans Johnny's Scrapbook. Pour exemple, deux morceaux qui s'inspirent de l'esprit de ces musiques de spectacle : "Vaudeville" et "Velvet Curtain Rag" s'enchaînant pour accompagner "l'entrée en scène" de Johnny Hudgins, telle que dessinée sur l'instant par Guillaume Carreau. "Velvet Curtain Rag" s'inspire en partie des musiques de Tap Dance (Claquettes) caractérisée parfois par des breaks (arrêts) propres à instaurer un véritable dialogue rythmique entre le danseur et l’orchestre. Mais ici, le dialogue se fait entre la musique et le dessin en direct. 
 
curtain_rag.mp3 Vaudeville / Velvet Curtain Rag par Frasques  (2.2 Mo)


Walk

Walter Page
Walter Page
Le "Walk" ou la "Walking Bass" est le fait pour un contrebassiste, ou pour tout autre instrument, de jouer sur toutes les noires de la mesure, en accentuant plus particulièrement les 2ème et 4ème temps. 
 
1_13_how_long,_how_long_blues.mp3 How Long, How Long Blues par Count Basie  (3.36 Mo)


Le morceau "Paris Walk" tente de transcrire le sentiment de liberté et de fraîcheur que pouvaient ressentir Johnny et Mildred Hudgins se promenant dans le Paris des années 1920. 
paris_walk_1_1.mp3 Paris Walk par Frasques  (1.51 Mo)